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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/64

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et, dans un temps que l’histoire peut délimiter, elle a été acquise par induction. La nécessité, provenant immédiatement de la nature de l’esprit humain, d’admettre une cause à toute chose, est en réalité souvent très-peu scientifique. C’est en vertu de l’idée de causalité que le singe, — en cela, à ce qu’il semble, organisé comme l’homme, — porte la patte derrière le miroir ou retourne le meuble taquin pour chercher la cause de l’apparition de son alter ego. C’est en vertu de l’idée de causalité que le sauvage attribue le tonnerre au char d’un dieu, ou se figure, lors d’une éclipse de soleil, qu’un dragon veut dévorer le dispensateur de la lumière. La loi de causalité veut que le nourrisson mette la venue salutaire de sa mère en corrélation avec son propre vagissement ; il fait ainsi une expérience. Quant au sot privilégié, qui attribue tout au hasard, il pense, si toutefois il pense, que le hasard est un être diabolique, dont les caprices suffisent à expliquer toutes ses mésaventures (34).

Nos matérialistes actuels se trouveront peut-être quelque peu en désaccord avec eux-mêmes, en face de cette question. Enclins d’un côté à tout déduire de l’expérience, ils ne feront pas volontiers une exception pour la loi de causalité ; d’un autre côté, la domination absolue et illimitée des lois de la nature est à bon droit leur thème favori. Il est vrai que Czolbe semble se ranger expressément du côté de Mill  (34 bis) ; mais il entend par lois innées de la pensée celles qui, dès la naissance, se trouvent comme propositions logiques dans la conscience. Quelle serait son opinion, une fois le malentendu écarté ? C’est ce qu’il n’est pas aisé de deviner avec une entière certitude d’après son exposé. Néanmoins Czolbe, en admettant que nos concepts doivent avoir une évidence d’intuition sensible, a établi un principe métaphysique, qui n’est nullement conciliable avec le système de Mill, et qui, du côté opposé, va même au delà de Kant. Büchner insiste fortement sur la nécessité et l’immuabilité des lois de la nature et fait pourtant dériver de