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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/74

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constitué une branche importante de la science. Figurons-nous, afin d’élucider cette pensée, un homme qui prend un kaléidoscope pour une lunette d’approche. Il croit apercevoir en dehors de lui des objets très-intéressants, et à les contempler il consacre toute son attention. Supposons qu’il soit renfermé dans un local étroit. D’un côté, il a une petite fenêtre qui lui ouvre sur le dehors une perspective confuse et bornée ; d’un autre côté se trouve le tube avec lequel il s’imagine voir dans le lointain et ce tube est solidement enchâssé dans le mur. Il éprouve un plaisir tout particulier à regarder ainsi hors de sa chambre. Ce point de vue l’attire plus que la petite fenêtre ; il s’efforce sans cesse de compléter, par cette voie, sa connaissance d’un lointain merveilleux. Tel est le métaphysicien, qui dédaigne l’étroite fenêtre de l’expérience et se laisse décevoir par le kaléidoscope où se déroule le monde des idées. Mais quand il comprend son erreur, quand il devine l’essence de son kaléidoscope, cet instrument n’en reste pas moins pour lui, malgré l’excès de son désenchantement, un objet de vive curiosité. Il ne se demande plus : Que sont, que signifient les merveilleuses images que je vois bien loin là-bas ? mais : Quelle est l’organisation du tube qui les produit ? Il se pourrait donc que l’on y trouvât une source de connaissance peut-être aussi précieuse que le serait l’observation par la petite fenêtre.

Nos lecteurs verront bientôt qu’il reste ici à faire les mêmes objections que nous avons déjà opposées aux catégories. On peut admettre qu’il y a dans notre raison des facultés qui font nécessairement miroiter devant nous des idées sans rapport avec l’expérience. On peut admettre que de semblables idées, quand nous nous sommes délivrés de l’apparence trompeuse d’une connaissance extérieure, sont encore, même au point de vue théorique, une possession très-précieuse de notre esprit ; mais nous n’avons aucun moyen de les déduire sûrement d’un principe. Nous nous trouvons ici tout simplement sur le terrain de la psychologie, — en