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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/79

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simples déterminations de son être en tant que phénomène ».

Il ne faut pas oublier que, même après cette déclaration formelle, Kant n’en demeure pas moins en paix avec l’étude de l’homme observé conformément à la science de la nature. Le monde des phénomènes, cette chaîne dont l’homme forme un des anneaux, est déterminé dans toute son étendue par la loi de la causalité et il n’y a pas un seul acte de l’homme, pas même jusqu’à l’héroïsme du devoir, qui ne dépende physiologiquement et psychologiquement, des progrès antérieurs de l’individu et de la nature du milieu, dans lequel il se voit placé. Par contre, Kant regarde comme indispensable la pensée que cette même suite d’événements qui, dans le monde des phénomènes, se pose comme série causale, est, dans le monde intelligible, fondée sur la liberté. Au point de vue théorique, cette pensée n’apparaît que comme possible mais la raison pratique la traite comme réelle ; bien plus, elle en fait une maxime impérieuse par la force irrésistible de la conscience morale. Nous savons que nous sommes libres, encore que nous ne concevions pas comment cela peut être. Nous sommes libres comme êtres raisonnables. Le sujet lui-même s’élève dans la certitude de la loi morale au-dessus de la sphère des phénomènes. Nous nous regardons nous-mêmes, dans l’action morale, comme une chose en soi, et nous en avons le droit, bien qu’ici la raison théorique ne puisse pas nous suivre. Il ne lui reste, pour ainsi dire, qu’à admirer le prodige au moment de l’action, prodige que toutefois, au moment de la réflexion, elle doit trouver trop facile, et qu’elle ne peut admettre au nombre des possessions assurées de la connaissance.

Toute cette série d’idées est erronée, du commencement jusqu’à la fin. Kant voulait éviter la contradiction flagrante qui existe entre « l’Idéal et la vie », contradiction inévitable. Elle est inévitable parce que le sujet, même dans la lutte morale, n’est pas noumène, mais phénomène. La pierre