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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/97

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samment le ton accentué avec lequel Feuerbach parle du monde sensible et de l’évidence.

« Dieu fut ma première pensée ; la raison, ma deuxième ; l’homme, ma troisième et dernière pensée. » Par ces mots Feuerbach caractérise moins les différentes phases de sa philosophie que les phases du développement intellectuel de sa jeunesse ; car, dès qu’il eut terminé ses études (1828), il proclama franchement les principes de la philosophie de l’humanité, auxquels il resta dès lors invariablement attaché. La nouvelle philosophie devait être au rationalisme de Hegel ce que ce dernier système était à la théologie. Ainsi était inaugurée une nouvelle période, dans laquelle la théologie et même la métaphysique étaient rejetées à l’arrière-plan.

Cette théorie présente une analogie remarquable avec celle que cherchait à établir vers le même temps, à Paris, le noble Comte, penseur et philanthrope solitaire, en lutte avec l’indigence et la mélancolie. Comte aussi parle de trois époques de l’humanité. La première est la théologique ; la seconde, la métaphysique ; la troisième et dernière, la positive, c’est-à-dire celle où l’homme, avec tous ses sens, toutes ses forces se tourne vers la réalité et trouve sa satisfaction dans la solution des problèmes réels (49).

Parent intellectuel de Hobbes, Comte donne pour but à toute science la connaissance des lois qui régissent les phénomènes. « Voir pour prévoir ; chercher ce qui est pour conclure ce qui sera », est pour lui la tâche de la philosophie. De son côté, Feuerbach déclare « La nouvelle philosophie fait de l’homme y compris la nature, base de l’homme, l’objet unique, universel et suprême de la philosophie ; — l’anthropologie donc, y compris la physiologie, devient la science universelle » (50).

Dans cette glorification exclusive de l’homme, nous reconnaissons un trait particulier à la philosophie de Hegel et qui sépare Feuerbach des matérialistes proprement dits. Nous re-