Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Oui, je te frapperai, ô Terre, pour le bien des mortels, si tu refuses d’écouter mes avis. Je veux le bonheur des hommes : c’est en vain que tu détournes la tête, et que tu t’obstines à désobéir à mes ordres. J’emploierai le fer contre toi ; ce sera pour moi une gloire, et je saurai suffire à la nourriture des mortels. Soumets-toi plutôt à ce que je demande, ô toi qui connais les règles du devoir. Fournis à la subsistance de tous les êtres : car tu le peux. Deviens ma fille[1] ; alors je retiendrai cette flèche redoutable, prête à te percer. »

La Terre répondit :

« Ô prince, je remplirai toutes tes volontés, je le promets. C’est par la réflexion qu’on prépare le succès d’un projet. Réfléchis donc au moyen d’assurer la subsistance des mortels. Vois-tu ce veau[2] que je nourris ? il faut m’en séparer, et niveler partout le sol terrestre, en sorte que mon lait, ô sage monarque, s’épanche également de tous côtés. »

Vêsampâyana continue :

Alors le fils de Véna, de la pointe de son arc, aplanit mille et mille montagnes, qui semblent s’étendre à sa voix. La Terre se découvre de toutes parts. Pendant les Manwantaras précédents, elle était inégale et, de sa nature, hérissée d’immenses aspérités. Tel fut son état sous le règne du Manou Tchâkchoucha. Lors de ces premières créations[3], la Terre raboteuse et rude n’était

  1. Ici la Terre est considérée comme la fille de Prithou : ailleurs elle est sa femme. Prithou lui-même est regardé comme une incarnation de Vichnou, dont la femme Lakchmî s’incarne aussi pour suivre son mari sur la terre. Le lecteur doit s’habituer à cette idée : devenir fils ou fille d’un personnage, c’est prendre un nom qui est dérivé du sien. Ainsi la terre est appelée Prithivî du nom de Prithou.
  2. Voyez l'Oupnék’hat, t. i, p. 272. On y parle de cette alégorie appliquée au Vède. On y dit : Ipsum hoc cor vitulum lac comedentem ejus imaginari oportet. Il me semble qu’il faut entendre ici par le mot veau celui qui a droit au premier lait de la vache, celui qui est le chef dans chaque ordre, et qui a été nourri comme par privilège. Car le veau est l’enfant chéri, l’enfant de prédilection. Le Manou Swâyambhouva est le chef du premier Manwantara, que la terre a nourri jusqu’à présent, et qu’elle quitte pour donner son lait à tous les hommes.
  3. Le poëte semble indiquer par ce passage que ces créations diverses ne sont que des changements amenés par la civilisation.