Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/68

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la force de la dévotion (yoga)[1], vit toute la vérité : il voulait maudire cette femme, ô fils de Gourou ; mais il se retint. Tchhâyâ s’arrachait les cheveux de douleur ; elle sentit qu’il était temps de parler, et révéla à Vivaswân tout ce qui s’était passé. À ce récit, le dieu irrité se rendit auprès de Twachtri. Celui-ci accueillant son gendre avec les honneurs accoutumés, chercha à calmer ses feux que la colère rendait encore plus ardents.

« Tes traits, lui dit-il, défigurés par l’excès de ton ardeur, ne brillent plus du même éclat. Sandjnâ n’a pu supporter ta chaleur : retirée dans un bois, elle se promène sur un gazon verdoyant. Tu peux la revoir aujourd’hui même, cette épouse toujours vertueuse, toujours occupée d’exercices pieux. Mais elle est cachée sous la forme d’une cavale, se nourrissant de feuillage, maigre, et souffrante. Sa crinière est relevée et nouée à la manière des pénitents[2]. Son esprit n’est rempli que de saintes pensées, et son corps tremblant est comme le lac qui vient d’être agité par la trompe des éléphants. Elle mérite nos respects aussi bien que nos éloges, pour l’ardeur de sa piété. Cependant, ô dieu fort et puissant, écoute, et suis mon conseil, s’il peut te convenir. Je veux te donner aujourd’hui une forme plus aimable. » Et en effet la figure de Vivaswân était singulièrement élargie par ses rayons, dont la déesse, quand elle habitait avec lui, s’était vue entièrement enveloppée. Vivaswân réfléchit beaucoup au discours de Twachtri, et à la fin consentit au changement qu’on lui proposait. Alors s’approchant de son gendre, Twachtri fit mouvoir une meule qui émoussa ses rayons aigus. Une fois privée de cet éclat importun, la figure du dieu devint de plus en plus brillante, et recouvra sa beauté ordinaire. Son visage fut d’abord couvert de sang ; mais bientôt de sa face naquirent douze dieux[3], Dhâtri, Aryaman, Mitra, Varouna,

  1. La méditation religieuse donne à l’homme, suivant les Indiens, un pouvoir surnaturel. Le dévot jouit dans ce moment d’une espèce de vision intérieure. Comment nous étonner de cette opinion, quand près de nous, en Écosse, on croit à la seconde vue ?
  2. Cette espèce de coiffure s’appelle djatâ.
  3. Le poëte oublie que ces dieux sont déjà nés d’Aditi, et qu’il nous a raconté leur naissance, il faut nous accoutumer à ces récits contradictoires. Voyez, en effet, ici même Vivaswân et Twachtri, c’est-à-dire le gendre et le beau-père, au nombre de ces dieux qu’ils viennent de créer. Nil fuit unquàm sic impar sibi. Cette opération de Twachtri donne lieu encore à un autre conte. La face du soleil était si douloureuse, que Twachtri fut obligé de la lui frotter avec les drogues qu’on emploie pour les contusions, et de l'envelopper : ce qui donnait à cet astre une figure large et pâle. Cette allégorie s’explique par le séjour du soleil dans le nord pendant six mois, du solstice d’hiver au solstice