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Page:Langlois - Rig Véda.djvu/63

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[Lect. I.]
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RIG-VÉDA. ― SECTION PREMIÈRE

11. Je viens donc à toi avec une prière respectueuse ; celui qui t’offre cet holocauste te bénit et t’implore. Varouna, sois favorable à nos vœux : toi dont le nom est au loin célébré, épargne notre vie !

12. Voilà ce qu’on m’a répété et le jour et la nuit, voilà ce que mon propre cœur me dit. Que le royal Varouna nous délivre, lui qu’a invoqué Sounahsépa enchaîné[1] !

13. Oui, Sounahsépa enchaîné, attaché aux trois poteaux du bûcher sacré, a prié le fils d’Aditi, le royal Varouna, de le sauver. Que (ce dieu) sage et invincible brise nos fers !

14. Ô Varouna, par nos invocations, par nos sacrifices, par nos holocaustes, nous voulons détourner ta colère. Viens, toi qui donnes la vie[2] ; roi prudent, délivre-nous de nos fautes.

15. Ô Varouna, délie les chaînes qui nous serrent d’en haut, d’en bas et du milieu[3]. Fils d’Aditi, par le sacrifice que nous t’offrons, que nos fautes soient effacées, que nous soyons à Aditi[4] !


HYMNE VI.

À Varouna, par Sounahsépa.

(Mètre : Gâyatrî.)

1. Dans tous ces sacrifices que nous t’offrons journellement, ô divin Varouna, nous pouvons, pauvres mortels, manquer à quelqu’un de nos devoirs.

2. (Épargne-nous ;) ne nous livre pas à la mort, au fer d’un ennemi, au ressentiment d’un furieux.

3. Varouna, par nos chants nous voulons adoucir et calmer ton esprit, de même que le conducteur d’un char (délasse par sa voix) son cheval fatigué.

4. Vers toi, comme l’oiseau vers son nid, volent mes pensées, pour obtenir une existence prospère.

5. Et dans quel (autre) temps devons-nous invoquer l’illustre Varouna, qui possède la force et la richesse, et nous rendre propice celui qui est l’œil du monde ?

6. Que (Mitra et Yarouna) accueillent ce (sacrifice) offert pour tous les deux ; ils sont justes, quand ils favorisent un pieux serviteur.

7. Varouna connaît la voie de l’oiseau qui vole dans l’air, celle du vaisseau qui vogue sur la mer.

8. Ce dieu, ferme en ses œuvres, connaît la marche des douze mois qui engendrent les êtres, et celle du mois qui complète l’année[5].

9. Il connaît la carrière du vent, qui exerce au loin sa remarquable puissance ; il connaît la demeure élevée des dieux.

10. Au sein de nos demeures réside et règne Varouna, fidèle à ses desseins, et digne d’être honoré par les sacrifices.

11. Le sage voit toutes les merveilles accomplies par lui, comme celles qu’il accomplira.

12. Que ce fils d’Aditi, honoré par nos sacrifices, nous dirige chaque jour dans une bonne voie ; qu’il prolonge notre existence !

13. Varouna a revêtu sa cuirasse d’un or éclatant et pur ; des rayons de lumière l’environnent de toute part.

  1. Voilà le passage sur lequel on se fonde pour penser que cet hymne est celui que Sounahsépa récita lorsqu’il était prisonnier. Mais, en tous cas, la circonstance dont il est ici question est mentionnée comme déjà passée, et le reste de l’hymne ne semble pas avoir le but spécial qu’on lui suppose. Pour ma part, je pense que cet état de captivité de Sounahsépa, comme ailleurs l’état de cécité de certains personnages, n’est qu’une métaphore qui peint l’abattement de l’homme incapable d’agir pendant la nuit, et en quelque sorte lié ou aveuglé par les ténèbres. Le sacrifice du matin vient lui rendre sa liberté et la lumière.
  2. Ces mots sont la traduction du mot Asoura, dont l’explication la plus convenable m’a paru être celle que je donne ici. On voit pour quelle raison cette épithète est attribuée au Soleil et aux autres dieux ; l’Asoura est l’être doué de force et de mouvement, et communiquant la vie dont il est animé. Les nuages ont cette propriété ; et quand le poëte les a personnifiés, les êtres, ennemis des dieux et qui les animent, ont pu être appelés Asouras. Ce mot a fini même par désigner plus souvent les adversaires des dieux, les Titans indiens. Je suppose que, plus tard, dans la composition du mot Asoura, qu’on avait perdu de vue, on a cru trouver un a privatif, et qu’on a ainsi formé le mot Soura, qui signifie Dieu.
  3. J’entends par ces mots que l’obscurité qui règne au ciel, sur la terre, dans les airs, est une triple chaîne qui lie les hommes pendant la nuit.
  4. Le mot Aditi se trouve encore ici, et on le rend par salut, sécurité. Je sais que la même expression peut avoir différentes significations ; mais je n’aime pas que cette expression, dans des circonstances analogues, se trouve interprétée différemment. J’ai donné au mot Aditi le même sens que dans le premier vers. Être à Aditi, c’est, comme en français, être tout à la nature, jouir complètement de la nature. Aditi, dans les idées indiennes, me semble être l’ensemble de la matière organisée, et animée d’un souffle divin : ce mot signifie complet, et est en opposition avec le mot diti, qui veut dire divisé, incomplet. D’Aditi naissent les Adityas, ou formes du Soleil ; de Diti, les Dêtyas, êtres malfaisants qui animent les météores célestes, et font la guerre aux Adityas et aux autres dieux. Le sens du mot Aditi, comme je l’ai dit, peut être restreint à la signification de terre ; et Aditi est alors confondu avec Prithivî. Ce même mot Aditi, au masculin, est employé pour signifier l’ensemble des offrandes, le sacrifice.
  5. C’est un treizième mois de quelques jours, ajouté pour rendre l’année lunaire égale à l’année solaire.