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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/106

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BOILEAU.

signe de la beauté des œuvres. Homère sera admirable, non pas pour avoir écrit il y a trois mille ans, mais parce qu’il y a trois mille ans qu’on l’admire. Ce n’est pas l’antiquité des poèmes, c’est la perpétuité de l’approbation qu’on leur a donnée, qui en garantit la perfection. « Car, disait Longin traduit par Boileau, lorsqu’en un grand nombre de personnes différentes de profession et d’âge, et qui n’ont aucun rapport ni d’humeurs ni d’inclinations, tout le monde vient à être frappé également de quelque endroit d’un discours, ce jugement et cette approbation uniforme de tant d’esprits, si discordants d’ailleurs, est une preuve certaine qu’il y a là du merveilleux et du grand. » Quand à la diversité des âges, des humeurs et des professions s’ajoute celle des races, des époques et des mœurs, l’uniformité d’approbation sera une marque bien plus certaine et plus indubitable encore de l’excellence des ouvrages. Par conséquent, si l’on n’en sent pas soi-même la beauté, il ne faut pas les condamner pour cela, mais douter de soi-même et de ses lumières. Il ne s’agit pas d’admirer les anciens par autorité, aveuglément. Mais Boileau veut qu’on tienne compte du sentiment public et de la tradition. Car enfin la durée et l’universalité de la réputation d’un écrivain sont des effets, qui ont une cause suffisante : et c’est cette cause qu’il faut trouver, et chercher au besoin avec patience et humilité, jusqu’à ce qu’on la trouve, au lieu de croire facilement qu’on a soi seul plus d’esprit que tout le monde. Or que