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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/14

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BOILEAU.

Ce fut là sans doute qu’il apprit à ne rien mettre au-dessus de la littérature : en vain son père essaya-t-il de l’engager dans quelque étude pratique et profitable. Tonsuré dès l’année 1647, et destiné à l’Église, Boileau fut mis à la théologie, dès sa sortie du collège, en 1652. On dit que l’aridité des abstractions théologiques le rebuta. Je n’en crois rien. La plupart des hommes sont trop éloignés aujourd’hui de l’état d’âme auquel la théologie s’adapte, pour en comprendre l’intérêt ; on ne voit qu’un appareil effrayant et puéril dans toutes ces définitions, divisions et distinctions. Et puis nous avons depuis Rousseau et Chateaubriand des besoins d’imagination et de sensibilité que nos pères ignoraient : moins suspendus que nous aux formes fugitives de l’être, moins frémissants de sympathie avec la vie universelle, méprisant dans la nature la matière, et ne faisant des sens que les instruments de l’utilité pratique et des plaisirs inférieurs, ils ne sentaient pas comme nous la sécheresse des pures conceptions intellectuelles : ils se satisfaisaient de posséder la vérité abstraite sans aspirer à toucher la réalité concrète. Tenus en éveil par l’éloquence des prédications et l’éclat des controverses, ils saisissaient la philosophie substantielle qu’enveloppe la forme théologique : elle contenait de quoi satisfaire aux plus inquiètes curiosités, la raison de l’univers, le sens de la vie, la règle des volontés. Il ne fallait qu’être chrétien pour y prendre goût. J’ai peur que ce soit la foi, sinon la croyance, du moins le zèle, qui ait