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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/167

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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

Molière, quoiqu’il semble devoir plus à sa droiture d’instinct et de génie qu’à l’imitation des anciens : il les connaissait pourtant, il les étudiait, il les aimait, même ce robuste Plaute qui répugnait à la délicatesse de son temps. Et il recevait aussi, comme La Fontaine et comme Racine, l’influence de l’art antique par la conversation et la critique de son ami Despréaux, qui écartant résolument tous les Italiens et tous les Espagnols, comme trop brillants et trop « pailletés », détruisant l’autorité que l’illusion ou la complaisance de la génération précédente leur avait accordée aux dépens de la nature et de la pure beauté, proposait partout et toujours pour modèles les Grecs et les Latins, dont les œuvres contenaient toute la vérité, rendue avec toute la perfection que l’esprit humain était susceptible d’atteindre.

Si c’était donc aux anciens que Boileau devait les parties les plus originales et les plus hautes de sa théorie, et si à une sincère admiration pour leurs ouvrages s’ajoutait le sentiment qu’en eux, et en eux seuls, sa doctrine trouvait une confirmation éclatante et complète, on concevra sans peine l’indignation qu’il ressentit quand il vit contester l’autorité et le mérite de la grande antiquité. Je n’ai pas à raconter ici la querelle des anciens et des modernes : on en trouvera le détail dans l’ouvrage bien connu de Rigault, comme l’Évolution de la Critique de M. Brunetière fera connaître l’importance et les conséquences générales de ce débat dans l’évolution de la littérature et du goût français. On sait