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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/173

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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

Pindare et Platon, n’ayant pas l’heur de plaire aux dames et d’en être compris, étaient vivement bousculés ; mais le troisième volume ne laissa plus rien à désirer, et par la bouche de son abbé, Perrault fit un bel abatis des gloires de l’antiquité. Les anciens sont inférieurs dans l’histoire : ils y mettent des harangues qui ne sont pas vraies, ils feraient mieux de dater les événements. Les modernes ont une exacte chronologie, et Mézeray ne narre-t-il pas aussi bien que Thucydide ? Pascal ne vaut-il pas bien Platon, et La Bruyère Théophraste ? L’antiquité a-t-elle des romans à opposer à Cyrus et à Clélie ? Sénèque et Cicéron ont-ils plus de finesse et d’ampleur que Voiture et Balzac ? Pour Démosthène, il manque de pompe et de magnificence, et l’on en trouve dans les harangues de M. Le Maistre. Puis les anciens n’entendaient rien à la galanterie. En somme, il y a six causes, décidément, qui les font inférieurs aux modernes : nous avons pour nous le temps, une psychologie plus exacte, une meilleure méthode de raisonnement, l’imprimerie, le christianisme, qui ouvre une voie nouvelle à l’éloquence, et enfin la protection de Louis XIV.

Quant à la poésie, après avoir condamné la mythologie dans les sujets chrétiens, l’abbé charge à fond sur Homère. Il le trouve grossier, prolixe, n’ayant nul sens des bienséances, ignorant des sciences, dépourvu à l’occasion de sens commun : Homère avait du génie, mais qu’en pouvait-il faire en son temps ? « Il y a dix fois plus d’invention dans Cyrus que dans l’Iliade. »