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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/180

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BOILEAU.

en homme de sa race et de son temps, qu’il a substitué au naturel aisé des anciens son « naturalisme » rationnel et conscient.

On ne s’étonnera donc point que les meilleures pages que Boileau ait écrites sur la Querelle des anciens et des modernes, soient celles où il entre dans les vues de son adversaire : je veux parler de la lettre qu’il écrivit à Perrault en 1700, après que le grand Arnauld, leur ami commun, les eut réconciliés. S’élevant cette fois au-dessus des petites chicanes, et renonçant aux dénégations absolues, il prenait le sujet de haut et l’embrassait d’une vue large et pénétrante. Il montrait à Perrault que les vrais admirateurs de l’antiquité n’étaient pas les pédants en us, mais les honnêtes gens, les gens du monde même dont le goût est fin et exquis. Et il reprenait pour son compte la thèse des Parallèles : il refaisait le livre à son goût. Il s’engageait à faire voir que le siècle de Louis XIV était non pas plus grand à lui seul que tous les siècles passés, mais supérieur à n’importe quel siècle pris à part, même à celui d’Auguste. Il esquissait largement ce parallèle, donnant et reprenant l’avantage tour à tour aux anciens et aux modernes, avec un vif amour pour ceux-là, une large sympathie pour ceux-ci. Avec une netteté admirable de vues, il disait les écrivains qui devaient recommander leur siècle à la postérité. C’était là le point faible des argumentations de Desmarets et de Perrault, qui opposaient plus volontiers les Benserade et les Scudéry que les Racine et les La Fontaine