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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/183

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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

entre elles ; certaines langues sont en quelque sorte de meilleurs terrains de culture pour certains genres. Ainsi ni l’épopée, ni l’éloquence, ni l’histoire, ni la satire, ni l’élégie n’ont atteint en France la même hauteur qu’à Rome. Mais « pour la tragédie, nous sommes bien supérieurs aux Latins » ; et aussi pour le vaudeville. Il y a même des genres de poésie que les Latins n’ont pas connus, comme « ces poèmes en prose que nous appelons romans ».

On voit combien Boileau améliorait la théorie de Perrault, en substituant à cette loi de fer du progrès constant, universel, qui fait violence aux faits par la régularité mécanique et monotone de son jeu hypothétique, un principe infiniment plus flexible, plus voisin de la réalité, et qui s’y adapte sans peine pour l’exprimer : distinguer dans le mouvement général du monde intellectuel une pluralité de petits mouvements, des séries partielles ascendantes ou descendantes, se succédant, s’enchevêtrant, s’ajoutant, se contrariant, se figurer la marche de la littérature, non plus comme offrant la rigidité d’une ligne droite, mais comme une quantité de lignes brisées ou courbes du dessin le plus capricieux, c’était prendre la notion du rythme ondoyant des choses, et ni plus ni moins qu’introduire dans la critique la doctrine de l’évolution. Mais si l’on songe que jusque-là, dans l’Art poétique et ailleurs, Boileau n’avait jamais regardé les œuvres littéraires que dans leur relation au genre, sorte de type analogue aux idées platoniciennes, seul élément d’estimation, et seul