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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/187

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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

ou à tous les deux également ? ou bien à l’un et à l’autre, mais à l’un plus qu’à l’autre ? L’Art poétique nous fournit d’abord une réponse à ces questions : dès qu’on le lit, on sent que Boileau ne croit pas édicter paisiblement des lois incontestées : c’est plutôt une nouvelle bataille qu’il livre sur un nouveau terrain. Le ton est agressif, et la leçon, à chaque instant, se tourne en réquisitoire. Le poème est égayé de noms de méchants auteurs et d’ouvrages ridicules : Saint-Amant, Scudéry, Brébeuf, le burlesque, Cyrus, Clélie, Childebrand, toute cette mauvaise littérature n’a donc pas été détruite par les Satires, elle vit encore, puisqu’il faut encore la frapper. La satire fait comme un accompagnement railleur aux préceptes didactiques : mais cela même, et certains dénis de justice, certaines duretés, font du poème une œuvre de polémique autant que de théorie : c’est la langage d’un homme qui ne sent pas encore son autorité très affermie ; un maître qui enseigne à plus de mesure et d’impartialité.

Si l’on trouve partout des marques de l’admiration qu’on accordait à Boileau, il y en a moins de son influence, qui ne fut ni rapide ni surtout illimitée. Les listes de Gratifications et pensions aux gens de lettres, qui figurent dans les Registres des comptes des bâtimens du roi, sont une lecture fort instructive : depuis 1664 jusqu’à sa mort, Chapelain guide les libéralités du roi et de son ministre. Aussi touche-t-il seul 3 000 livres, qu’on paye encore en 1674 à ses héritiers. Cette même année, Racine touche 1 500 livres ;