Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
195
LA CRITIQUE DE BOILEAU.

et aux modes de Paris. Sans doute Fontenelle et Lamotte, et toute l’école des contempteurs de l’antiquité n’obtiennent pas l’adhésion formelle et complète du public ; mais les Grecs et les Romains n’y gagnèrent pas grand’chose. On les honore dfe bouche : on n’en fait pas les maîtres de la pensée et du cœur. Voltaire, qui amende Sophocle, est trop Français, trop de son siècle et de son monde pour sentir le charme et la grandeur intimes de l’antiquité : et s’il vante avec sa pétulance accoutumée trois ou quatre anciens, s’il célèbre la richesse et l’harmonie des langues grecque et latine, auprès desquelles nos langues modernes ne sont que des « violons de village », il ne prend et ne comprend là comme ailleurs que ce qui est conforme à ses préjugés littéraires ou autres. Voltaire, ici comme à tant d’autres égards, représente la moyenne des idées de §on temps. L’éducation des collèges entretient une tradition de respect pour les Grecs et les Romains. Les jésuites fleurissent la mémoire de leurs écoliers des plus beaux morceaux des orateurs et des poètes ; mais sensibles par-dessus tout aux surprises de l’esprit et aux élégances de la diction, ils élèvent moins le goût moderne qu’ils n’y rabaissent l’art ancien. Rhétoriciens excellents — mais purs rhétoriciens, — ils font apparaître les anciens, et même Homère, comme d’incomparables maîtres de rhétorique : en dix ans de commerce assidu avec les chefs-d’œuvre latins ou grecs, un jeune homme acquiert un trésor de pensées belles à citer dans