Aller au contenu

Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
BOILEAU.

les cabarets littéraires, et l’on ne s’y grisait pas seulement de paroles. La femme de Diderot lui donnait six sous pour aller disputer à la Régence, Boileau et ses amis, s’il faut en croire la tradition, consommaient plus largement, et n’étaient pas toujours fermes sur leurs jarrets, quand ils regagnaient leurs logis. Cet ivrogne de Chapelle ne fût pas resté longtemps dans une réunion de sobres causeurs. On trouvait au fond des pots les idées hardies ou plaisantes ; d’insolentes facéties, comme le Chapelain décoiffé, et la Métamorphose de la perruque de Chapelain en astre, naissaient comme d’elles-mêmes après boire ; et si l’on examinait souvent quelque point de doctrine, la raison d’un usage ou d’une règle, si ce fut vraisemblablement dans ces conversations autour de la table que nos écrivains prirent conscience de leur rôle, et que Boileau exerça sur leur génie une sorte de direction salutaire par la droiture de son sens critique, il ne faut pas oublier que ces bons compagnons faisaient une besogne sérieuse très peu sérieusement, sans morgue dogmatique, sans tapage et sans pose, n’ayant l’air de songer et ne songeant en effet qu’à se divertir. Boileau n’était pas le dernier à couper de saillies imprévues les discussions qui tournaient au grave, et évoquait du fond de ses souvenirs d’étranges figures de plaideurs, entrevues jadis au Palais ou dans l’étude de son beau-frère, pour fournir quelques plaisantes scènes aux Plaideurs de Racine.

Faut-il rappeler cette espièglerie de rapin, dont