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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/78

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BOILEAU.

La plupart du temps ceux qui disaient leur sentiment sur les ouvrages nouveaux étaient les amis ou les ennemis de l’auteur. C’étaient ou des libelles ou des apologies passionnées, où les idées et les doctrines n’étaient que les armes de la haine ou de la complaisance. Les critiques d’humeur et d’habitude étaient pires que tout : gens hargneux, qui faisaient profession de tout déchirer, et de défaire à belles dents les réputations. Tel Gilles Boileau, le frère aîné de notre poète, le malicieux dénonciateur des plagiats de Ménage : que prétendait-il par là ? faire du bruit, et faire du mal. C’est en deux mots la définition de la critique avant Despréaux.

Il fut, lui, un vrai critique, et le premier, en exceptant toutefois cet abbé d’Aubignac, si pédant et si injurieux, mais qui du moins bataillait pour des idées et des principes. Boileau, laissant de côté l’érudition et la diffamation, offrit aux honnêtes gens des jugements sincères, que le goût seul et un certain idéal de perfection littéraire dictaient. Mais d’abord les honnêtes gens ne comprirent pas, d’autant que cette impartiale critique s’annonçait sous le nom de Satire. Ils s’amusèrent ou s’indignèrent des attaques dirigées contre tant d’écrivains connus, sans y chercher d’autre raison que la malignité et l’humeur caustique : explication facile, et jusque-là presque toujours justifiée. Boileau leur fit l’effet d’un médisant comme les autres, mais plus forcené que les autres : car il ne prenait pas un adversaire, ou deux, comme les plus enragés faisaient auparavant ; il