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jean calvin.

premiers germes de son indépendance religieuse ; il semble qu’Olivetan surtout l’ait détaché de cette Église catholique, qui lui portait dès la première jeunesse ses dignités et ses revenus. Mais jusqu’en 1533, l’humaniste domine en lui : élève d’Alciat et de Wolmar, juriste, latiniste, helléniste, commentateur de Sénèque, il ne révèle sa vocation que par l’hérétique discours qu’il lit pour Nicolas Cop, recteur de l’Université parisienne, et qui les mit tous les deux en péril. L’année 1535, ici encore, fut décisive. Elle jeta Calvin hors du royaume, où la reine de Navarre ne pouvait plus le protéger. Mais surtout elle l’obligea, une fois retiré à Bâle, à mettre par écrit la confession de sa nouvelle foi, arrêtée dans cet esprit avide de clarté : il rédigea en latin l’Institution chrétienne. Comme la royauté mettait sa justice au service du dogmatisme catholique, et par politique dénonçait les victimes comme des factieux à ses alliés protestants, Calvin se crut obligé de protester dans la fameuse lettre à François Ier. En 1541, lettre et livre furent donnés en français par l’auteur, pour l’édification du simple populaire : cette traduction est un des chefs-d’œuvre du xvie siècle. Elle y fait époque.

On voit aisément dans l’Institution [1] et dans toute la suite de

    ce fut un homme de vie pure, de grand esprit, d’une sincérité absolue, qui, s’unissant à sa logique, le fit dur. Je ne crois pas qu’il y ait eu chez lui d’amour-propre, ni d’ambition, au delà de ce que comportent les actes humains, jusque dans le plus désintéressé dévouaient à l’idée. Il fit mourir Servet, Gruet : il persécuta Castellion. Pour être juste, il faut se souvenir du temps où vivait Calvin. Si on lui dénie l’excuse qu’on accorde au zèle des catholiques, et qu’on estime la cruauté d’un Réformateur plus condamnable comme démentant ses principes, on devra considérer que Calvin n’est pas venu apporter la liberté, mais la vérité. Il haïssait la tolérance comme les catholiques. Dans tous les partis, quelques âmes excellentes furent seules assez larges pour unir la foi avec la tolérance : Marguerite de Navarre chez les catholiques, chez les protestants Castellion à qui cette idée a inspiré quelques élans de charité éloquente (cf. F. Buisson, Sébastien Castellion, Hachette, 1892).

    Éditions : Christianæ religionis Institutio, Bâle, 1535 ; Strasbourg, 1539 ; Genève, 1559. L’Institution de la religion chrestienne (Genève ?), 1541 ; Genève, Jean Crespin, 1560. Opera omnia, 11 vol. in-fol., Amsterdam, 1667. Opera quæ supersunt omnia (dans le Corpus Reformatorum de G. Baum, E. Cunitz, E. Reuss), Brunsvigæ, 49 vol., 1863 et suiv. (t. I-II, textes de l’Inst. latine, t. III-IV, Trad. françaises). L’Inst., Paris, 1859 ; Genève, 1887. Lettres, p. p. J. Bonnet, Paris, 1854, 2 v. in-8. L’excuse du noble seigneur Jacques de Bourgogne. Lemerre, 1890, in-16.

    À consulter : Bayle, art. Calvin. F. Bungener, Calvin, sa vie, son œuvre et ses écrits, 2e édit., 1863. A.-J. Baumgartner, Calvin hébraïsant et interprète de l’Ancien Testament, in-8, Paris, 1889. A. Watier, Calvin prédicateur, Genève, 1889. Thèses de la Faculté de la théologie de Montauban (MM. Bez, Damagnez, A. et P. Martin, E. Sayn). A. Lefranc, la Jeunesse de Calvin, Paris, 188. A. Sayous, Études littéraires sur les écrivains français de la Réformation. Renan, Études d’histoire religieuse. Faguet, xvie siècle. E. Doumergue, Vie de Calvin, 3 vol. in-4, 1899 et suiv.

  1. Tout ce que je dis de l’Institution française se rapporte à la version de 1541 donnée par fragments au t. III des Œuvres de Calvin dans le Corpus Réf., non à celle de 1560, reproduite seule par les éditions de Paris et de Genève. Calvin est bien