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CHAPITRE V

LA FONTAINE


1. La Fontaine, son caractère ; sources et formation de son génie poétique. — 2. Les Fables : ce qu’il a fait du genre : drame et lyrisme. — 3. La poésie dite légère. Chaulieu.
1. LA FONTAINE.

Si l’on veut se rendre compte des restrictions que comporte la théorie des milieux, de l’effrayant inconnu que nulle détermination scientifique des œuvres littéraires ne peut réduire, il ne faut que considérer les deux plus purs poètes de notre xviie siècle : La Fontaine et Racine. Ils sont tous les deux Champenois[1], de la plus grise, et prosaïque, et positive de nos provinces, de cette terre des bons vivants et des malicieux conteurs, dont il semble que les fabliaux épuisent la définition intellectuelle. Il y a dans La Fontaine assez de quoi répondre à cette origine[2] : par toute une partie de son

  1. L’un est de la Ferté-Milon et l’autre de Château-Thierry. Il est possible que ce soient deux terroirs très différents ; mais si cela est, on comprend que l’idée générale de la région, de la province, à laquelle se tiennent d’ordinaire les disciples de Taine, n’est plus qu’une abstraction sans réalité et sans signification précise (11e éd.).
  2. Biographie : Né à Château-Thierry, le 8 juillet 1621, fils d’un maître des eaux et forêts, Jean de La Fontaine étudia à l’oratoire de Reims et à Saint-Magloire de Paris ; puis il vécut oisivement dans sa ville natale, parmi ses amis, Pintrel, traducteur de Sénèque, Maucroix, traducteur de Platon. En 1647, il se marie, et prend une charge de maître des eaux et forêts. En 1654, il publie une traduction de l’Eunuque de Térence. Son parent Janmart le présente à Fouquet, qui le pensionne. Après la disgrâce de Fouquet, il écrit l’Élégie aux nymphes de Vaux ; et il accompagne Janmart exilé à Limoges ; il a raconté son voyage dans des lettres à sa femme. Plus tard, il est présenté à la duchesse de Bouillon, exilée dans sa terre de Château-Thierry, pour qui il écrit des Contes. En 1669, il publie son roman de Psyché. Il avait tout à fait abandonné Château-Thierry et sa femme. Pendant vingt ans il vécut chez Mme de la Sablière ; lorsqu’elle fut morte, il alla chez M. d’Hervart. L’Académie le reçut en 1684. Il écrivit pour le théâtre Ragotin ou le Roman comique (1684), le Florentin (1685), la Coupe enchantée (1688). Il se convertit en 1693, et mourut le 13 avril 1695. Parmi ses poésies diverses sont deux pièces importantes pour