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Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 7.djvu/139

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étonnants et les plus funestes exemples du pouvoir de la sympathie. On a souvent lieu de remarquer la facilité avec laquelle les mouvements sympathiques ; tels que le rire, se communiquent par la simple vue, sans le concours d’aucune autre cause dans ceux qui les reçoivent. L’influence de la sympathie sur le sensorium est incomparablement plus puissante : les vibrations qu’elle y excite, lorsqu’elles sont extrêmes, produisent, en réagissant sur l’économie animale, des eff’ets extraordinaires que l’on a, dans les siècles de superstition, attribués à des agents surnaturels, et qui par leur singularité méritent l’attention des observateurs.

La commisération, la bienveillance et beaucoup d’autres sentiments dérivent de la sympathie. Par elle on ressent les maux d’autrui, et l’on partage le contentement du malheureux qu’on soulage. Mais je ne veux ici qu’exposer les principes de Psychologie, sans entrer dans le développement de leurs conséquences.

L’un de ces principes, le plus fécond de tous, est celui de la liaison de toutes les choses qui ont eu dans le sensorium une existence simultanée ou régulièrement successive, liaison qui par le retour de l’une d’elles rappelle les autres. À ce principe se rattache l’emploi des signes et des langues pour le rappel des sensations et des idées, pour la formation et l’analyse des idées complexes, abstraites et générales, et pour le raisonnement. Plusieurs philosophes ont bien développé cet objet, qui, jusqu’à présent, constitue la partie réelle de la Métaphysique.

On peut encore établir en principe de Psychologie que les impressions souvent répétées d’un même objet sur divers sens modifient le sensorium, de manière que l’impression intérieure correspondante à l’impression extérieure de l’objet sur un seul sens devient très diff*érente de ce qu’elle était à l’origine. Développons ce principe et pour cela considérons un aveugle de naissance, auquel on vient d’abaisser la cataracte. L’image de l’objet qui se peint sur sa rétine produit dans son sensorium une impression que je nommerai seconde image, sans prétendre l’assimiler à la première, ni rien affirmer sur sa nature. Cette