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Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 7.djvu/146

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Cette disposition, que la fréquence des répétitions donne au sensorium, rend très difficile la distinction des habitudes acquises d’avec les penchants qui, dans l’homme, tiennent à son organisation ; car il est naturel de penser que l’instinct, si étendu et si puissant chez les animaux, n’est pas nul dans l’espèce humaine, et que l’attachement d’une mère à son enfant en dérive. La double influence de l’habitude et de la sympathie modifie ses penchants, souvent elle les fortifie ; quelquefois elle les dénature au point de leur substituer des penchants contraires. Quelques observations faites sur l’homme et sur les animaux, et qu’il est intéressant de continuer, nous portent à soupçonner que les modifications du sensorium, auxquelles l’habitude a donné une grande consistance, sont transmises des pères aux enfants par voie de génération, comme plusieurs dispositions organiques.

La facilité qu’un exercice fréquent donne aux organes est telle qu’ils continuent souvent d’eux-mêmes les mouvements que la volonté leur imprime. Lorsqu’en marchant nous sommes fortement occupés d’une idée, la cause qui renouvelle à chaque instant notre mouvement agit sans le concours de notre volonté et sans que nous en ayons la conscience. On a vu des personnes, surprises en marchant par le sommeil, continuer leur route et ne se réveiller que par la rencontre d’un obstacle. Il paraît qu’en vertu d’une disposition que la volonté de marcher donne au système moteur, la marche continue, à peu près comme le mouvement d’une montre est entretenu par le développement de son ressort spiral. Un dérangement dans l’économie animale peut produire cette disposition. Alors la marche est involontaire, et je tiens d’un médecin éclairé que, dans une maladie de ce genre qu’il avait traitée, le malade ne pouvait s’arrêter qu’en se retenant à un point fixe. Les observations des maladies peuvent ainsi répandre un grand jour sur la Psychologie, quand les médecins joignent aux connaissances de leur art et des sciences accessoires l’esprit d’exactitude et de critique que donne l’étude des Mathématiques et spécialement de la science des Probabilités.

D’après ce que nous avons dit sur l’influence réciproque des traces