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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/122

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IV

VOIX DES RUINES



LE DONJON.

Il s’est écroulé sur sa base antique
Le toit des aïeux, le toit rude et fier
Où l’honneur venait, d’une main rustique,
Pendre et la faucille et l’épieu de fer.

Il s’est écroulé sous des bras serviles !
Et, du vieux granit pris à ta maison.
D’obscurs étrangers pour des œuvres viles
Ont bâti des murs sans forme et sans nom.

Et toi, tu t’en vas sur la route adverse,
Vivant sous la tente, éphémère abri,
Que chaque saison déplace ou renverse,
Mais toujours plus loin du manoir chéri.

Perdant, chaque jour, avec le courage
Un trésor du cœur, un legs des tombeaux,
Tu vois, sur tes pas, fuir, à chaque orage,
Quelque souvenir qu’on met en lambeaux.

Si la ronce, au moins, les fleurs des ruines,
La nature, ornant ce que l’homme abat,
Venaient s’emparer des chères collines
Où germa ton sang, un jour de combat !