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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/135

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Quand la voix du passé vient troubler ton sommeil,
Elle interrompt aussi le nôtre.

Quand ce passé t’arrête et te force à songer
À la route par toi suivie,
Tu ne penserais pas à nous interroger,
Nous qui savons si bien ta vie.

Et pourtant, chaque jour, quand tu sors en rêvant,
Tu pourrais, en ouvrant tes portes,
Aller heurter du front notre spectre vivant…
Nous sommes les amitiés mortes.




VI

VISION



Si ton cœur des vivants n’obtient plus de pitié,
Si, lorsque ton effroi nous invoque à leur place,
Le sépulcre jaloux, dont un sommeil de glace,
Retient tes amis morts et jusqu’à l’amitié ;

Moi, je veille et j’entends ! et du fond de la tombe,
Je suis toujours présente à mon poste éternel ;
Tes cris sont arrivés à mon cœur maternel ;
Et le poids du cercueil en vain sur moi retombe ;

Je le soulèverai pour t’aller secourir !
Mon âme, en s’élançant, comme un feu du cratère,
Briserait l’épaisseur du ciel et de la terre,
Si Dieu, qui sait aimer, ne venait me l’ouvrir.