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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/165

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Nous avons donné l’âme à des races guerrières
Que nous berçons encor sous les chênes gaulois ;
Nous sommes les autels d’où montent leurs prières ;
Nous sommes les remparts de leurs antiques lois.

Chez nos rudes pasteurs, nourris d’orge et de seigle,
Naquit la liberté, cet enfant des hauts lieux ;
Et c’est là, dans le nid du chamois et de l’aigle,
Qu’elle viendra mourir quand vous serez trop vieux.

Si vos lâches cités l’accusent de leurs fautes,
Sous notre dernier chêne elle aura son autel ;
Car nous resterons, nous, dont les dieux sont les hôtes,
Fières d’avoir tendu l’arc de Guillaume Tell.

Toi donc, puisqu’il te faut un sol chaste, un air libre,
Viens et fuis les bas lieux et leur souffle grossier ;
Si ton corps amolli veut retremper sa fibre,
Viens le frotter de neige au sommet du glacier.

Viens réveiller ton âme aux sources éternelles,
Toi, somnolent rêveur par la ville engourdi !
L’Alpe, fille du ciel, de ses blanches mamelles
Verse un lait généreux qui fait le cœur hardi.

Viens ! si tu veux monter au niveau de ton rêve
Et gravir l’idéal par son échelle d’or ;
Nous prenons dans nos mains l’âme qui se soulève,
Et l’emportons vers lui d’un invincible essor.

De nos premiers parvis, tout roses de bruyères,
Monte aux créneaux d’argent perdus dans le ciel bleu.