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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/262

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Fantômes du matin, spectres des nuits futures,
Doutes, remords, terreurs, pensers irrésolus,
Recommencez sur moi, redoublez vos tortures !
L’ange qui vous chassait ne me défendra plus.

Elle a son poste ailleurs dans la bataille humaine,
Près d’une autre douleur qu’elle y doit secourir,
Dans son lointain pays, où son Dieu la ramène,
Elle a d’autres amours qui la feront souffrir.

Adieu ! je veux encor, pour épuiser mes larmes,
Visiter chaque place où nous avons aimé,
Tous ces lieux rayonnants d’un reflet de tes charmes
Et mon cachot lui-même en Eden transformé.

J’ai revu nos sentiers, nos fleurs et nos retraites,
Ces bois où nous passions nous tenant par la main,
J’ai cueilli mon trésor de reliques secrètes,
Des jours évanouis j’ai refait le chemin.

Sous ta fenêtre, encore, un instinct me rappelle ;
Le pauvre y vient toujours, ami connu de nous ;
Je lui parle et je pleure, et, dans notre chapelle,
Sous l’arche où tu priais, je tombe à deux genoux.

Adieu ! je pars aussi, mon exil recommence.
La vie à mes terreurs s’ouvre comme un désert.
Je vais traîner partout ma solitude immense ;
La terre entière est vide à celui qui te perd.

Pour l’homme, ainsi tombé des cieux où tu l’enlèves,
Qui connut l’idéal avec toi visité,