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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/293

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Accorde avec amour à leur race aguerrie,
Après les grands combats, la grande rêverie.


LE PÂTRE DES MONTAGNES.

Le pâtre aux longs cheveux, roi des plateaux déserts,
Seul et fort, rêve en paix sur son trône de mousse ;
Gouvernant, tout l’été, dans leurs pacages verts,
Les noirs taureaux, les vaches rousses.

D’un geste à ses grands chiens il commande, et, le soir,
Le troupeau vagabond, dispersé dès l’aurore,
S’assemble autour du maître et suit à l’abreuvoir,
La génisse au collier sonore.

Le vent berce les pins, ces encensoirs des monts ;
Un souffle attiédi sort des bruyères voisines,
Et l’homme des hauts lieux respire à pleins poumons
La vitale odeur des résines.

La robuste fraîcheur qui tombe des glaciers,
Le soleil distillant le thym et les verveines,
Le souffle et la vertu des sommets nourriciers
Ont coulé dans ses fortes veines.

Les miasmes impurs, les morsures de l’air,
Les invisibles dards dont la nuit nous pénètre
N’atteignent pas son sang et glissent sur sa chair,
Comme sur l’écorce du hêtre.

Il combat, seul à seul, près du ravin béant,
L’ours au poil hérissé, qui recule et qui gronde ;