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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/313

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Le laboureur d’en haut fit en moi ses semailles ;
Le sol renouvelé cache une ample moisson ;
Le maître, en extirpant la pierre et le buisson,
Pour me fertiliser déchira mes entrailles.

En vain sur mes sillons, par tous les vents battus,
L’hiver déchaînera son lugubre cortège.
Et les froides vapeurs et le doute et la neige…
Les épis jailliront et les fortes vertus.

Venez donc m’assaillir avec toutes vos armes,
Âpres ambitions, plaisirs, lâches frayeurs !
De toute servitude éternels pourvoyeurs,
Usez, pour ma défaite, usez de tous vos charmes.

J’attends et je suis fort ; moi, si débile hier.
Je suis prêt à vous vaincre en un combat suprême,
À briser votre joug, à rester pur et fier…
De plus vaillants que moi combattront en moi-même

Par ses grands souvenirs mon cœur est défendu ;
Mon cœur est habité comme une citadelle.
Les héros que j’implore en mon culte assidu
Sauront garder leur temple et leur humble chapelle.

À défaut de ces dieux lointains et triomphants,
Toi, l’ange maternel, toi, simple et forte femme,
Qui veilles, de là-haut, l’aïeul et les enfants,
Tu peux m’aider à vaincre, à toi seule, ô grande âme !

Non, tu n’interdis pas ces sommets à ton fils ;
Aux maîtres les plus fiers devant moi tu t’y mêles,