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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/87

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LE PÂTRE.

J’entends plus près de nous, sur le frêne voisin,
Siffler le joyeux merle enivré de raisin.


LE POÈTE.

Écoute ce torrent : quelle douleur profonde
Exhalent à nos pieds les soupirs de son onde !


LE PÀTRE.

J’entends sur les cailloux le bruit clair du ruisseau,
Du ruisseau qui gazouille aussi gai que l’oiseau ;
Chacun se réjouit d’en habiter la rive ;
Car l’eau donne à ses bords une voix toujours vive.
Mais toi, pâle étranger, si triste en l’écoutant,
Explique en sa chanson ce que ton âme entend.


LE POÈTE.

Voici ce que nous dit la voix, proche ou lointaine,
Qui coule avec les eaux, torrent, fleuve et fontaine :


LE TORRENT.

Le sourd travail des eaux a fendu le rocher :
Ma source, en murmurant, fuit des plus minces veines,
Comme une larme, aux yeux qui la voudraient cacher,
Jaillit d’un cœur miné par de secrètes peines.

Mais bientôt je reçois et j’emporte en courant
Et la neige et la grêle, et des flots d’eau fangeuse,