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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Pernette, Lemerre.djvu/122

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PERNETTE.


Vous trouverez en Dieu votre lit nuptial. »

Un silence profond suivit ces mots du prêtre ;
Les pleurs même cessaient, hélas ! prêts à renaître !
Les amants, les époux, dans leur rêve exaucés,
À la face du ciel se tenaient embrassés,
Et, de leur chaste oubli respectant le mystère,
Les yeux se détournaient du couple solitaire.
Eux, sans rien voir, perdus et seuls dans l’univers,
S’étreignaient, s’appelaient de mille noms divers.
Comme deux pâles fleurs que nul soleil n’essuie
Se collent feuille à feuille à travers une pluie,
Leurs visages, leurs mains, leurs lèvres sans couleurs
Se joignirent longtemps, cimentés par les pleurs.
Leurs larmes, en tombant, qui se confondaient toutes,
Sur leurs cheveux mêlés roulaient en mêmes gouttes.

Tels furent, ici-bas, sans autre lendemain,
Le salut et l’adieu de ce funèbre hymen.

Les amis, cependant, comptaient chaque minute,
Croyant venu l’instant de la dernière lutte.
La mère avait saisi la main de son enfant ;
Les soupirs du jeune homme allaient en s’étouffant,
Et, dans ses yeux, semblait s’éteindre avec la fièvre
Le regard… La parole hésitait sur la lèvre.
Cet assaut de la mort sur le vaillant blessé
Par son sang vigoureux fut encor repoussé ;
Il mit son autre main dans la main de sa veuve,
Et dit à haute voix, sans fléchir sous l’épreuve :

« Sois béni, Dieu, vers qui je m’en vais sans effort,