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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Pernette, Lemerre.djvu/30

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PERNETTE.

Des moutons effarés qui se pressent entre eux
Les cous ont disparu sous les ventres laineux.

Ainsi, lorsqu’à travers leur fête souriante
La sinistre nouvelle éclata foudroyante,
Pâles, muets, autour du triste messager,
Ces pauvres bonnes gens vinrent tous se ranger.
On lui fit répéter la formidable annonce ;
Mais nul ne se permit un geste, une réponse.
Car chacun, sous la loi de l’illustre empereur,
Sentait contre sa bouche un bâillon de terreur ;
Les âmes se taisaient, la franchise était morte,
Et l’espion veillait, dans l’ombre, à chaque porte.

Après quelques moments, le groupe étant resté
Lugubre de silence et d’immobilité,
Voisins, amis, parents, chacun prétextant l’heure,
Abrégeant les adieux, courut à sa demeure ;
Et du logis, désert comme un jour de trépas,
Le curé, le docteur, seuls, ne partirent pas.

Devant ces vieux amis les sanglots éclatèrent,
Et, dans un doute affreux, maints projets s’agitèrent.
Et, la porte étant close, on osa, tout le soir,
Maudire ces décrets, sans perdre encor l’espoir.

La nuit vint, séparant, hélas ! Pierre et Pernette.
Madeleine et son fils gagnent leur maisonnette.
Les deux chers conseillers, le bon Jacque auprès d’eux,
Suivaient ; ils marchaient tous prompts et silencieux.
La veuve avait son toit sous la tour du village ;
Là, quelque avis formel en dirait davantage ;