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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Pernette, Lemerre.djvu/306

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LE LIVRE D’UN PÈRE.


Si, dans un coin, seul, en silence,
Penchant la tête et fermant l’œil,
Pendant que l’on rit, que l’on danse,
Je m’étends sur mon vieux fauteuil ;

À me voir sans parler ou lire,
Sans plus faire un geste, un effort,
Vous direz, avec un sourire :
Voilà le père qui s’endort.

Non, je ne dors pas, je voyage
Avec vous en maints lieux divers ;
Et, pour vous prêcher le courage,
Chers petits, je vous fais ces vers.

Ils ne vont pas tout d’une haleine,
Ils ne me tombent pas du ciel ;
Et ce n’est pas non plus sans peine.
Que les abeilles font leur miel.

Sachez qu’une belle pensée,
Qu’une image aux vives couleurs,
N’est pas cueillie ou ramassée
Comme un fruit ou comme une fleur.

Quand j’ai rencontré, d’aventure,
Un grand vers, des traits éclatants…
Dans mon âme et dans la nature,
C’est que j’avais fouillé longtemps.

Dieu seul a le travail facile.
L’univers est toujours dispos