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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Pernette, Lemerre.djvu/64

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PERNETTE.


Non sans un peu trembler des coups que j’admirais.
Tous ces pauvres oiseaux, comme je les pleurais !
Et nous allions ainsi, par nos deux héritages,
Entraînés chaque jour vers de plus hauts étages,
Jusqu’aux bois de sapins jadis fermés pour nous
Par la vague terreur des lutins et des loups.

— Mais la douce saison est enfin commencée
Où la petite sœur devint la fiancée,
Et se promit à moi dans un aveu charmant,
Dit Pierre, en la baisant sur le front, tristement.
Et nous allions plus haut tenter nos escalades ;
Nos deux amis, souvent, guidaient ces promenades.
Et le savant docteur, mêlant l’étude au jeu,
Nous enseignait à lire au grand livre de Dieu,
Nous disait les amours et les vertus cachées
Des plantes dans l’herbier avec art desséchées,
Et comment on applique à mille soins divers
Le bienfait de leurs sucs gardés de longs hivers.

— Quels bouquets, dit Pernette, ou plutôt quelles gerbes
Nous rapportions tous deux, rameaux, fleurs, longues herbes
C’était à qui ferait la plus ample moisson,
Mêlerait plus de rire à la grave leçon ;
A qui d’un œil plus vif et d’un pied plus alerte
Pousserait plus avant, là-haut, sa découverte ;
Et c’était souvent moi — nous avons un témoin —
Qui trouvais la fleur rare et grimpais le plus loin. »

Et Pierre en souriant :

« Oui, le plus beau trophée

Ornait ce front de reine et cette main de fée,