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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/105

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« Tu crois que ce beau front qu’au ciel ainsi tu lèves
A seul l’ambition et le tourment des rêves ;
Que tes yeux, Ô Psyché ! connaissent seuls les pleurs,
Que toi seule as le don des sublimes douleurs !…
Tes larmes en tombant se mêlent à bien d’autres.
Tes soupirs n’ont-ils pas leur écho dans les nôtres,
Et n’échanges-tu pas, en mille accords divers,
La tristesse et la joie avec tout l’univers ?

« D’où viennent l’ennui vague et les plaintes sans causes
Qui naissent dans ton sein du seul aspect des choses,
Reine ? en tes plus beaux jours la brise a bien des fois
Séché des pleurs amers qui coulaient à sa voix ;
Et nos vieilles forêts ont répété sans nombre
Tes longs gémissements éclos sous leur grande ombre.
Si ce monde est lui-même insensible, oh ! comment
A-t-il pu de ton cœur hâter le battement ?

« Mais l’univers visible est un frère qui t’aime ;
Il gravite où tu vas, votre source est la même ;
Ta voix l’a réveillé de son sommeil ancien,
Par ton propre désir il a connu le sien.
De toi lui vient le mal, mais aussi la lumière.
Toi par qui nous souffrons, c’est par toi qu’il espère ;
Ce qu’a fait ton orgueil, ton amour le guérit,
Et c’est pour ta beauté que l’époux nous sourit. »

Les grands lions, ainsi, la forêt solennelle,
Et le sage Océan rêvant d’un dieu, comme elle,
Et les autres disaient : L’être n’est que désir !

Mais la reine à leur chant répond par un soupir ;