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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/172

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Vous que nul dieu n’ira visiter dans vos veilles,
Mortels pour qui l’Olympe a perdu ses merveilles,
Dans l’atmosphère humaine en vain vous glanerez
Pour unir en faisceau des rayons séparés ;
Les éléments du beau, réunis par contrainte,
Manqueront sous vos doigts de la céleste empreinte ;
Peut-être atteindrez-vous un fini glacial,
Mais jamais la beauté, mais jamais l’idéal !


LE CHŒUR.

Une voix chante, ô Mer ! et gronde sous tes lames,
Une flamme en jaillit, le soir, au choc des rames.
Un caprice inconnu règne au fond de tes eaux,
Tu berces tour à tour ou brises les vaisseaux ;
Ton immense regard s’assombrit ou s’éclaire,
On dirait que tu sens l’amour et la colère.
La terre et toi luttez ; tu bats son vieux rempart ;
Vous avez toutes deux votre existence à part.
Sous tes grands bras d’athlète ou tes beaux seins de femme,
Corps mobile et sans borne, oh ! n’as-tu pas une âme ?
Mille esclaves, ô Mer ! peuplent tes flots sacrés,
En toi la vie abonde à ses mille degrés,
Et comme chez un roi, dans tes profonds domaines,
Des trésors inouïs bravent les mains humaines.

Sur tes plaines d’azur volent des coursiers blancs
Dont les crins écumeux battent les larges flancs ;
Leur foule en hennissant t’adore et t’accompagne,
Quand tu viens sur ton char haut comme une montagne,
Des troupeaux monstrueux paissent dans tes forêts,
Nul chasseur ne les suit dans tes antres secrets ;