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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/200

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Ne penche plus ton front sur les choses qui meurent ;
Tourne au levant tes yeux, ton cœur à l’avenir.
Les arbres sont tombés, mais les germes demeurent ;
Tends sur ceux qui naîtront tes bras pour les bénir.

Poète aux longs regards, vois les races futures,
Vois ces bois merveilleux à l’horizon éclos ;
Dans ton sein prophétique écoute leurs murmures ;
Ecoute : au lieu d’un bruit de fer et de sanglots,

Sur des coteaux baignés par des clartés sereines,
Où des peuples joyeux semblent se reposer,
Sous les chênes émus, les hêtres et les frênes,
On dirait qu’on entend un immense baiser !

1842


III

LE BUCHERON


I

Le chêne aux flancs noueux dans l’herbe est couché mort,
Mais du vieux bûcheron c’est le dernier effort ;
Il pose sa cognée et s’accoude au long manche ;
Il se courbe, en soufflant, le pied sur une branche ;
Son morceau de pain noir est gagné pour demain ;
Et, s’essuyant le front du revers de la main :

« Triste et rude métier que de porter la hache !
À ce labeur de mort quel dieu m’a condamné ?