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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/229

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Sur la pente où des bois un pré suit les lisières
Les arbres sont épars dans les grandes fougères ;
Un chêne aux pieds noueux de mousse tapissés
Offre à l’enfant son dais et son trône dressés
Sur les rebords touffus d’une nappe d’eau sombre
Que la forêt protège et nourrit de son ombre.
Là, dans les hauts gazons fleuris et fourmillants,
Se croisent par milliers les insectes brillants.
Près des lis argentés rougit la digitale ;
Le large nénuphar sur les cressons s’étale ;
Pendus en noire grappe aux bras d’un frêne clair,
Des essaims bourdonnants s’éparpillent dans l’air ;
Sur chaque arbre, pinsons, mésanges et linottes,
Bouvreuils à plein gosier font gazouiller leurs notes.
Les chamois défiants, hôtes des grands rochers,
Pour Hermia venus à ses pieds sont couchés ;
L’aigle, planant là-baut, a jeté sur sa robe
Une fleur des sommets que lui seul y dérobe ;
Sur l’herbe, à ses côtés, le daim et le chevreuil
Dorment las de bondir : le joyeux écureuil
Autour de son lit glisse, et court sur ses épaules ;
Les oiseaux envolés des buissons et des saules
Vont jusque dans sa main becqueter par instants
De sorbe et d’alizier quelques grains éclatants.
La vie ainsi près d’elle abonde, et la nature
Lui sourit par les yeux de chaque créature :
Car l’invisible mère, en son sein triomphant,
Berçait avec orgueil son plus divin enfant.

Cet exil dans les bois, ces ébats sur les cimes,
Dans les prés suspendus au bord des verts abîmes,
Avec les jeunes faons les luttes et les jeux,