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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/364

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ISMÈNE.

Moi qui pensais avoir — ma mère n’étant plus —
Épuisé tous les coups à mon cœur dévolus !
À combien d’autres morts m’avez-vous condamnée,
Impitoyables dieux, et pourquoi suis-je née ?


LE CHŒUR.

Que de mères sans fils, de femmes sans époux,
De filles et de sœurs dont le trépas commence,
Et qui vont, comme toi, saigner des mille coups
Qu’échangent les partis dans la ville en démence !

Quel que soit le vainqueur, la tremblante équité
S’enfuit avec la paix et la miséricorde ;
Chaque goutte du sang versé par la discorde
D’une âme généreuse appauvrit la cité.

Dieux cléments ! unissez les deux partis contraires,
Dieux protecteurs d’Athène et fondateurs des lois,
Faites chez les mortels, pour cette seule fois,
Naître la liberté d’une guerre entre frères :

Dans le fleuve Léthé purifiez les cœurs !
Lavez de ses flots purs notre sanglante arène ;
Répandez sur nous tous cette équité sereine,
Plus difficile encore aux vaincus qu’aux vainqueurs.

Voici qu’avec des cris et d’ardentes colères
Une foule revient, le combat terminé…
Quel que soit le parti, s’il n’a point pardonné,
Il entendra de moi des paroles sévères.