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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/71

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« Je voudrais respirer, voir les flots et la terre,
Fuir la captivité du labyrinthe austère ;
Des désirs inconnus m’y poursuivent partout.
De ces Dieux mugissants j’approche avec dégoût.
Je tremble entre ces morts rangés en longues files :
Ces sphinx, me regardant de leurs yeux immobiles,
Ces figures sans voix, ces monstres me font peur.

« J’avais cru là d’abord trouver un dieu meilleur,
Moins altéré de sang, plus doux pour tous les êtres ;
Et j’admirais de loin les voix sages des prêtres.
À chaque enseignement au temple dérobé,
Je sentais un rayon d’espoir en moi tombé.
Mais en vain j’ai tenté les intimes retraites
Où s’arrache le voile aux images secrètes ;
Dans ce vaste tombeau, le grand mort adoré.
Le dieu que j’ai servi, de moi reste ignoré.
Je n’y vois que des fronts muets, un peuple horrible,
Et qui semble garder quelque énigme terrible.

« Mais dans la nuit pourtant qui m’environne ici,
Un obscur souvenir en moi s’est éclairci,
Et l’ébauche d’un dieu qui me visite en rêve,
Chaque jour en mon cœur s’embellit et s’achève.
Dieu jeune, au pied rapide, aux yeux vifs et luisants,
Serais-tu là voilé parmi ces dieux pesants ?
Quand, parmi les oiseaux, dans mes songes tu passes
En un jardin peuplé de fleurs pleines de grâces,
Que mon esprit entend vos accords merveilleux,
Ce temple où je languis me parait plus affreux.
Je hais ces mille dieux, ces simulacres mornes
Aux bras sans mouvement, aux fronts armés de cornes,