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Page:Larguier - L'an mille, 1937.djvu/126

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saient tous les deux… puis les parents de Jacques Santeuil avaient dû quitter le pays, la vie avait roulé, ballotté le mince collégien aux yeux bleus, en avait fait cet âpre réfractaire, cet apôtre brûlé de foi et ils avaient tous deux dépassé la soixantaine quand ils s’étaient revus. Un soir d’extrême-automne, l’Agitateur qui passait en voiture près du village où il était né voulut faire un détour et s’y arrêter pendant quelques instants.

Le crépuscule tombait, la première étoile s’allumait en clignotant dans un tendre ciel dont les scabieuses tournaient aux violets plus sombres des améthystes. Une charrette de foin qu’on déchargeait devant l’Hôtel du Lion d’Or embaumait la rue. Le vieillard avait reconnu tout de suite les moindres choses demeurées à leurs anciennes places : un banc, la fontaine dont les trois dauphins de pierre crachaient toujours