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Page:Larguier - L'an mille, 1937.djvu/47

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le vieil immeuble de l’île Saint-Louis me soufflait au visage une odeur tiède et fanée, l’odeur de l’Europe à cette époque, une odeur de papier, de bouquins, de tabac, d’infusion et de charbon… Tenez, je possède dans mon ermitage des Gargantes où j’ai entassé des meubles, des livres et des toiles, un corqueton qui m’enchante toujours quand je le revois. C’est l’esquisse d’un portrait d’homme qui doit dater de 1900. Je le nomme le Monsieur de la Vieille Europe. Ce monsieur a une rosette rouge à la boutonnière d’un paletot qu’on devine très souvent brossé ; il doit être veuf, car il donne le bras à une jeune fille en grand deuil ; le peintre a à peine indiqué les visages, mais derrière les deux silhouettes, on aperçoit une façade du quai Malaquais et les guichets de l’Institut dans la lumière nacrée de trois heures, un pluvieux après-midi d’extrême automne. Cela