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Page:Larra - Le Pauvre Petit Causeur, trad. Mars, 1870.djvu/112

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ce qui en soi n’est qu’un divertissement est une distraction indispensable ; un divertissement dirige l’opinion publique des masses qui le cultivent ; un instrument du gouvernant lui-même, quand il sait le faire servir à ses fins ; un passe-temps qui empêche les oisifs turbulents de faire et de s’occuper de quelque chose de pire ; un morigénateur, enfin, des mœurs, qui sont, à notre avis, l’unique appui solide et vrai de l’ordre, et de la prospérité d’un peuple. Des vérités d’une telle portée ne seront certainement pas celles qui rencontreront aujourd’hui de puissants contradicteurs. La lumière de la vérité dissipe enfin tôt ou tard ces vices dont veulent la couvrir les partisans de l’ignorance ; et la force de l’opinion, que nous pourrions appeler, humainement parlant, ultima ratio populorum, est, à la longue, plus puissante et plus irrésistible que ne l’est momentanément celle qu’on a appelée ultima ratio regum.

La nécessité et l’utilité du théâtre étant accordées, ou pour mieux dire n’étant pas disputées, reste à savoir quels peuvent être les moyens de le faire prospérer.

Quels ont été les obstacles qui se sont opposés constamment dans ce pays à la réalisation d’un si vaste projet ?

Le peu d’importance que toujours on a cru pouvoir impunément donner à cet objet, les comprend tous. De là vinrent l’état singulier du théâtre, la position ridicule des poètes, la situation déplorable des acteurs. Choses si intimement unies ne peuvent se séparer sans préjudice pour chacune d’elles. Il ne suffit pas qu’il y ait un théâtre, il ne suffit pas qu’il y ait des poètes, il ne suffit pas qu’il y ait des acteurs ; aucun de ces trois éléments ne peut exister sans la coopéra-