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Page:Larra - Le Pauvre Petit Causeur, trad. Mars, 1870.djvu/172

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DERNIÈRE LETTRE D’ANDRÉ NIPORESAS
AU BACHELIER DON JUAN PEREZ DE MUNGUIA.

Mon cher Bachelier, pense si doivent m’être sensible l’état de ta santé et ce malencontreux filet qui t’embarrasse la langue et l’oblige à parler seulement ainsi de loin en loin ; nourris-toi de soupe et de vin, et si cela ne suffit pas pour reconforter ta machine détraquée, avertis-moi, afin que j’aie le temps de te recommander à Dieu, et le prier de te faire repentir en cette vie de tes nombreux et volumineux péchés, car je te vois déjà un pied dans la tombe, et si la mort, me dis-je, te surprend avant le repentir, il ne pourra y avoir dès lors de remède humain ni divin pour toi, et tu n’auras que faire des prières d’un chrétien. Pèse ces choses longuement, et considère surtout qu’il y a un enfer. Si la foi ne t’avait pénétré de cette vérité, je t’en répondrais, moi, qui pousse en ce point ma croyance si loin, que je tiens à part moi pour certaine la présence d’un enfer non-seulement dans l’autre vie, mais souvent encore dans celle-ci pour plus d’un ; j’ai pour cela du moins de puissantes raisons.

Ta dernière lettre, tenue à l’écart du public, contient à mon adresse une telle grêle de questions, une telle foule de recommandations que je ne sais si je suffirai à satisfaire complètement toutes tes exigences. Contente-toi donc de ce que je puis et vais tout bonnement te dire.