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Page:Larra - Le Pauvre Petit Causeur, trad. Mars, 1870.djvu/175

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Tu peux dès à présent te mettre en route, il n’y a eu la semaine passée que deux vols de diligence.

Mais si tu veux m’arriver en solliciteur, ne viens pas, car pour le moment je n’ai rien à te prêter, et pour n’apporter avec toi que tes talents, tu peux rester avec eux là-bas, ici personne n’en a besoin.

Viens ou non, mais en tout cas, garde le silence, c’est le meilleur parti à prendre ; tout le monde devant aller toujours ainsi, fais comme tout le monde, et met de côté une partie de ton savoir, si tant est que tu ne veuilles pas l’oublier tout entier, ce qui serait encore plus sûr. Quand les choses n’ont pas de remède, le talent consiste à les faire tourner, telles quelles, chacun à son profit. Garde-toi donc de bavardages qui pourraient te coûter la vie, ou la langue ; imite-moi, écris seulement désormais de simples et sérieuses lettres de famille, comme celle-ci, ou tu raconteras les faits sans réflexions, commentaires, ni morale, dans lesquelles personne ne pourra trouver ni une parole malicieuse, ni un reproche à te jeter à la face, mais bien la relation des événements naturels et journaliers des Batuèques ; ou, ce qui vaudrait mieux, abstiens-toi même de cela ; pour ne pas perdre l’habitude d’écrire, il te suffira de faire, chaque semaine, le compte, de ta blanchisseuse.

André Niporesas.