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Page:Larra - Le Pauvre Petit Causeur, trad. Mars, 1870.djvu/21

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« Demandez-moi plutôt combien de sots il faut pour composer un public. » Un auteur applaudi me répond : « C’est la réunion de personnes éclairées qui décident au théâtre du mérite des productions littéraires. »

Un écrivain, quand on le siffle, dit que le public ne l’a pas sifflé, mais que c’est une cabale de ses ennemis, de ses envieux, et que cette cabale assurément n’est pas le public ; mais si on lui critique les défauts de sa comédie applaudie, il appelle le public à son aide ; le public l’a applaudie ; le public ne peut être injuste : donc sa comédie est bonne.

Un journaliste présume que le public est réduit à ses souscripteurs ; il n’est pas grand, dans ce cas, le public des journalistes Espagnols. Un avocat croit que le public se compose de ses clients. Un médecin, qu’il n’y a d’autre public que ses malades, et grâce à sa science ce public diminue tous les jours ; ainsi des autres : de sorte que la nuit arrive sans que personne ne m’ait donné une indication exacte de celui que je cherche.

Le public ? Est-ce celui qui achète la Galerie funèbre de spectres et d’ombres ensanglantées, et les poésies de Salas, ou celui qui laisse chez le libraire les Vies des Espagnols célèbres et la traduction de l’Iliade ? Est-ce celui qui se met la tête à l’envers afin d’avoir des billets pour entendre une chanteuse déclamatrice, ou celui qui les revend ? Est-ce celui qui dans les époques tumultueuses, brûle, assassine et traîne, ou celui qui dans les temps pacifiques se courbe et flatte ?

Et cette opinion publique si respectable, son produit sans doute, est-ce par hasard la même que celle qui tant de fois se met en contradiction même avec