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Page:Larra - Le Pauvre Petit Causeur, trad. Mars, 1870.djvu/65

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œuvre publiée, imprimée, et mise en vente, à tous les coins de la capitale. Quelque libraire de…, mais il n’est pas utile de dire d’où, lui aura rendu le service de l’imprimer sur de très-vilain papier, en caractère très-laids, en estropiant le texte original, et sans lui en avoir demandé la permission.

C’est ainsi que beaucoup de livres circulent, et cela se fait publiquement et librement.

Nous ne comprenons pas en réalité pourquoi un auteur serait maître de sa pièce ; la vérité est que, dans la société, il semble, à première vue, que chacun doive être maître de son bien ; mais cela ne s’applique en aucune façon aux poètes. Le poète est un animal né, comme le singe, pour divertir publiquement les autres, ses choses ne sont pas les siennes, mais bien celles du premier qui met la main dessus et se les adjuge. Jolie raison que celle qui dit que le poète a fait une comédie pour qu’elle soit à lui ! Belle plaisanterie ! Dieu créa le poète pour le libraire, comme le rat pour le chat, et pour être conséquent avec cette hypothèse, que personne ne pourra nier, il est clair que l’imprimeur agissant ainsi que nous venons de le dire s’acquitte de son devoir, accomplit une œuvre méritoire, et que, s’il ne gagne pas le ciel, il gagne de l’argent, ce qui, pour certaines consciences, est tout.

Ainsi donc, nous sommes étonnés de la simplicité et de la générosité de ces libraires honnêtes (car il y en a aussi), qui daignent faire à l’auteur la farce de lui demander sa permission, en même temps que sa comédie, lui payer celle-ci le prix convenu, et la livrer ensuite béatement au public ; ceux-là doivent s’entendre peu ou nullement à l’hygiène des consciences, combien il est en effet plus sensé, plus naturel d’aller à la chasse aux comédies, comme on va à