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Page:Larra - Le Pauvre Petit Causeur, trad. Mars, 1870.djvu/94

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prenez soin de mes fils, et si vous voulez en faire véritablement des sans-soucis, commencez par les instruire… Que l’exemple de leur père leur apprenne à respecter ce qu’il est dangereux de mépriser sans avoir acquis d’abord de l’expérience. Si vous ne pouvez leur donner autre chose de mieux, ne les privez pas d’une religion consolatrice. Qu’ils apprennent à dompter leurs passions, et à vénérer ceux auxquels ils doivent tout. Pardonnez-moi mes fautes, je suis assez châtié par mon déshonneur et mon crime, je paie assez cher mon faux sans-souci. Pardonnez-moi les larmes que je vous fais répandre.

» Adieu pour toujours. »

Cette lettre achevée, on entendit une autre détonation qui résonna dans tout l’hôtel, et la catastrophe qui lui succéda me priva pour toujours d’un neveu qui, avec le meilleur cœur, s’était fait malheureux lui-même et ceux qui l’environnaient.

Il n’y a pas deux heures que ma malheureuse sœur, après avoir lu cette lettre et m’avoir appelé pour me la montrer, étendue sur son lit et en proie au plus funeste délire, a été abandonnée par les médecins.

« Fils…, sans-souci…, mariage…, religion…, malheur…, » sont les paroles qui vont et viennent sur ses lèvres moribondes. Et cette funeste impression, qui domine tristement mes sens, m’a empêché de donner aujourd’hui à mes lecteurs d’autres articles plus joyeux que je tiens en réserve pour meilleure occasion.