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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/114

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RACINE.

Vauban dirigeant l’assaut au grenadier Sans-Raison vengeant la mort de son lieutenant, Racine admire avec la même chaleur d’âme la prudence du général et le courage du soldat. Il y exprime la pitié qu’une telle âme devait éprouver devant la guerre. Après avoir assisté à une grande revue de l’armée passée par le roi et Luxembourg, une armée de 120,000 hommes, il écrit :

J’étois si las, si ébloui de voir briller des épées et des mousquets, si étourdi d’entendre des tambours, des trompettes et des timbales, qu’en vérité je me laissois conduire à mon cheval sans plus avoir d’attention à rien, et j’eusse voulu de tout mon cœur que tous les gens que je voyois eussent été chacun dans leur chaumière ou dans leur maison, avec leurs femmes et leurs enfants, et moi dans ma rue des Maçons, avec ma famille.

Au titre d’historiographe, Racine joignait, depuis le 12 décembre 1690, celui de gentilhomme ordinaire et, depuis le 3 août 1694, celui de secrétaire du roi. Aussi, tout le temps qu’il ne donnait pas à ses devoirs de piété et de famille, le consacrait-il à ceux que lui créaient ses charges de cour. Il regardait, en effet, ces obligations comme des devoirs, et, en cela, il pensait comme ses contemporains. Le roi étant le représentant de Dieu sur la terre, servir le roi, c’était servir Dieu. Il y avait là, pour lui, comme une seconde religion, et il les pratiquait toutes deux avec la même ferveur, ou plutôt ces deux cultes étaient la pratique d’une seule foi. Cette foi lui permettait de concilier, en toute sûreté de conscience, la vie de cour avec l’austérité janséniste. Si étrange que cet accord nous semble aujourd’hui, l’esprit du temps le favorisait, et aussi