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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/127

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RETOUR À LA POÉSIE DRAMATIQUE.

française d’une forme aussi neuve que belle. Si le lyrisme et l’inspiration religieuse sont déjà dans le Polyeucte de Corneille, Esther leur faisait une place dominante. Surtout, en bannissant l’amour du sujet, elle donnait un exemple singulièrement courageux et qui aurait pu être fécond.

Les mêmes circonstances permettaient à Racine d’appliquer une fois de plus cette poétique originale et hardie dans Athalie, son chef-d’œuvre. Les représentations à d’Esther n’avaient pas encore excité l’inquiétude des rigoristes, lorsque le poète, « mis en goût, selon les expressions de Mme de Caylus, voulut composer une autre pièce, et le sujet d’Athalie, c’est-à-dire la mort de cette reine et la reconnoissance de Joas, lui parut le plus beau de tous ceux qu’il pouvoit tirer de l’Écriture Sainte ». Entreprise d’enthousiasme dans les premiers mois de 1689, la pièce était terminée, semble-t-il, au mois de novembre 1690.

Malheureusement, entre le moment de joie créatrice où Athalie avait été commencée et celui où elle se trouvait prête pour la représentation, les sentiments de Mme de Maintenon avaient changé, et celle des tragédies de Racine à qui l’éclat de la mise en scène était le plus nécessaire allait se trouver privée de ce secours. Non seulement la protectrice de Saint-Cyr était effrayée par l’effet d’Esther sur les élèves et les observations de ses pieux conseillers, mais les ennemis de Racine, surpris une première fois, avaient eu le temps d’agir : « non contents de travailler les gens de bien, ils écrivirent plusieurs lettres anonymes ». Mme de Maintenon « fit seulement venir à Versailles, une ou deux fois,