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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/144

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RACINE.

cinq actes leurs spectateurs, par une action simple, soutenue de la violence des passions, de la beauté des sentiments et de l’élégance de l’expression.

Cet amour de la simplicité commandera toute la tragédie de Racine, sujets, développement et style. Quant à l’inspiration morale de cet œuvre, c’est l’esprit janséniste.

Le jansénisme prend son point de départ dans le dogme du péché originel. Pour lui, la nature humaine, viciée par la faute première, est foncièrement mauvaise. Dieu a racheté cette faute ; mais, pour arriver au salut, il faut que la grâce se joigne à la purification du baptême. Du jour où l’homme entre dans la vie, il subit les assauts du mal, et il ne peut les repousser sans l’aide de Dieu. Or, la grâce est difficile à obtenir ; Dieu l’accorde ou la refuse à son gré ; le nombre des élus est petit. Les passions, toujours en éveil, sont les formes diverses que prend le mal pour nous perdre. Croire que, par la seule force de la volonté, nous arriverons à les surmonter, est une illusion funeste. D’autre part, nous courons à notre perte d’autant plus vite que nous mettons plus d’énergie au service de nos passion. Peindre les passions, au point de vue janséniste, ce sera donc montrer la volonté humaine subissant de terribles défaites.

Cette morale est juste le contraire de la morale cornélienne. Les héros de Corneille triomphent de leurs passions à force de volonté. Par la volonté, Rodrigue, amoureux de Chimène, préfère son honneur à son amour. Le jeune Horace, par instinct héroïque, Curiace, par un effort de volonté, sur-