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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/146

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RACINE.

forte que la passion et l’homme brisé par celle-ci, dès qu’il s’y abandonne. Un autre grand janséniste, Pascal, n’a pas humilié plus profondément la nature humaine. La méchanceté et la faiblesse que Pascal démontre par le raisonnement, Racine les montre en action.

Comme la vérité dans la représentation de la vie est différente chez Racine et chez Corneille, de même la leçon qui résulte de cette double vérité. Corneille nous exhorte à nous élever au-dessus de nous-mêmes. Il nous pousse à l’action, en nous proposant l’exemple des plus hautes vertus humaines : honneur, abnégation, dévouement. Il sème des germes d’héroïsme. Au contraire, en nous montrant les larmes et le sang que la passion fait répandre, les ruines qu’elle entasse, le sort fatal où elle conduit. Racine nous enseigne la méfiance de nous-même et la crainte des égarements. Comme ils se complètent dans la représentation de la vie, nos deux grands tragiques se complètent aussi dans la leçon qu’ils tirent de ce spectacle.

Il résulte de là que la tragédie de Corneille, montrant des caractères aux prises avec des situations, est surtout une tragédie de caractères, tandis que la tragédie de Racine, montrant les ravages de la passion dans les âmes, est surtout une tragédie de passion.

Il en résulte aussi que le sentiment produit par Corneille sur le spectateur est l’admiration, et le sentiment produit par Racine, la pitié.

Pour qu’un personnage excite le plus d’admiration possible en luttant contre les événements, il faut